Vos rangs!

Vos rangs! C'est ce que les gardiennes du dîner nous criaient par la tête quand la récréation était finie. Pour entrer en classe, il fallait que chaque groupe soit aligné par ordre de grandeur (j'étais souvent en tête du peloton avec des filles qui mesurent maintenant 4 pieds 8) et c'était silence total avant d'entrer, sinon les madames nous envoyaient au mur, AU MUR! PIS TROIS FOIS AU MUR ÇA S'EN VA CHEZ LE DIRECTEUR!

On mangeait aussi en silence à même notre pupitre (avant qu'un budget soit débloqué pour aménager une cafétéria) et on avait vingt minutes max, sinon on se faisait chicaner. Comme je mastiquais lentement, je me faisais pousser dans le t-bone pour finir de gober mon sandwich, que je faisais rentrer plus vite avec des rasades de limonade chimique en berlingot qu'ils nous distribuaient avant chaque repas (on avait aussi le choix de boire du lait au chocolat, jusqu'en 1989 où il fut banni du menu, pointé du doigt pour exciter les enfants).

Vous remarquerez, je me suis discipliné pour faire des coups de spatules presque tous semblables, ordonnés, pour casser ma tendance à créer des compositions chaotiques. Je me donne un B- on va dire. Bravo pour le progrès, mais loin de l'objectif demandé par le ministère. J'ai beurré avec des couleurs qui m'ont rappelé l'odeur du cuir de l'étui à crayon (qui finissait rarement l'année pas barbouillé), de la mine (celle qui nous noircissait la paume après plusieurs angles rapportés), des feuilles d'automne et du soleil encore chaud mais déclinant. 

30 pouces par 40, huile, vendue